CHAPITRE 3

Vanessa Mer 27 Jan - 7:55

CHAPITRE 3

Le commandant Styldus, qui venait de se restaurer, se tenait debout devant une vitre aussi grande que lui. Au dessus, le numéro de la cabine affichait le numéro 489 ; le nom, le prénom et tous les renseignements qui résumaient une vie brillaient dans la semi- pénombre, qu'illuminaient des milliers de petits autres écrans. Derrière la paroi, les couleurs, rappelant les glaciers de la Terre, dansaient, par petits nuages vaporeux, s'envolant et glissant le long des surfaces. L'homme réfléchissait, regardant au delà de son reflet. Son déjeuner avait été frugal, sans goût – ou, comme s'étaient plaints certains, d'un goût tellement artificiel, que les synthèses d'appêtance ne faisaient que donner un arrière goût de nourriture pour chien. Il avait fermé les yeux, comme à l'accoutumé, au moment du dessert, en essayant d'imaginer, de se remémorer le plus fort qu'il puisse, le goût des fraises du potager de sa femme.
Il se souvint à nouveau de sa moitié disparue, en regardant le visage paisible, serein, de celle qui se tenait en face de lui. Le sourire était large, les lèvres étaient minces mais on sentaient une infinie douceur en émaner. Comme sa femme, elle souriait , même dans les pires circonstances. Lorsque le commandant régla l'ordinateur particulier de Mme Simi Benata, il sembla qu'elle faisait partir d'elle même les effets de la cryogénie.

- Bonjour, dit -elle, comme si elle venait de lui ouvrir la porte de chez elle. Elle réussit, à la surprise de Jamo Styldus, à agrandir son sourire, en faisant découvrir ses dents brillantes. Quoi de neuf?
- Bonjour, ma chère, dit le commandant en se pliant pour la saluer, il se releva en tendant sa main pour l'aider à descendre de son «sarcophage».

Elle posa délicatement sa main gracieuse dans la sienne, les années n'ayant fait qu'embellir sa beauté, elle suivit le commandant en faisant semblant de ne pas remarquer qu'il avait légèrement rosi. Ses yeux en amandes se plissèrent légèrement, le vert émeraude de ses yeux avait la même vivacité que lorsqu'elle avait dix ans.

- Pourquoi suis-je éveillée? A ce que je vois, vous avez besoin de moi.

Il ne répondit pas et continua de marcher le long de l'allée à coté d'elle, vers la sortie. Elle pinça les lèvres , les sourcils froncés. Elle leva les yeux vers les rangées de ses convives. Ils n'y avait aucun programme en cours d'une quelconque réanimation. Le commandant en personne pour la réanimer, pas de long discours sur les fabuleuses particularités de leur Terre d'accueil...

- J'imagine que vous n'êtes pas homme à réveiller une femme pour assouvir ses besoins charnels personnels? Lança -t-elle haut et fort et mettant les mains sur ses hanches et en prenant une allure provocante...Dont sa combinaison de cryogénisation laissait voir les courbes. Elle lança un clin d'œil avec une moue taquine aux gardes postés sur le seuil, qui pouffèrent de rire en se cachant dans le col de leurs costumes. Le commandant étouffa une exclamation et ne prononça pas un mot pour autant. En vérité, il se retenait de rire aussi, malgré ses joues en feu. Elle dit doucement:

- Bon , très bien...

Elle se mit à chantonner des chansons traditionnelles de son père, en vietnamien. Elle était l'exacte opposée de feu son mari perfectionniste et réfléchi, mais aussi son exacte complémentaire. Sa voix résonna dans la salle de plusieurs kilomètres de longs - de haut. L'écho fit arriver les notes les plus profondes jusqu'au dernier caisson. Tandis qu'elle marchait les derniers mètres, la chaleur de son chant semblait avoir illuminé cet espace oppressant.

Simi Benata et Stydus Jamo riaient quand ils arrivèrent devant l'équipage au complet, qui discutaient avec ferveur. Le commandant Styldus leur avait annoncé «une surprise», ce qui n'était vraiment pas son genre d'action habituel. La salle avait de larges hublots qui donnaient sur les nuages d'étoiles à coté desquels ils voguaient. Chacun s'agitait en sortant des hypothèses plus farfelues les unes que les autres. Le toussotement du commandant leur fit faire silence. Ils se tenaient droits, mais aucun ne cacha sa surprise de voir Mme Simi. Tous, excepté sa fille, qui avait été mise au courant, mais avait les larmes aux yeux en voyant sa mère, qui taquinait sûrement le commandant. Mais là, c'est elle qui paraissait choquée. En effet, Benata regardait la foule, les yeux écarquillés.

Styldus écarta les mains, plus pour faire effet que pour attirer l'attention, qui était à son comble.

- Au nom de l'humanité, je vous remercie tous d'être ici, chaque...jour... A donner de votre énergie et votre volonté ..chaque instant.
Tout l'équipage sourit.
- Et... je n'ai pu m'empêcher de remarquer que, naturellement, des tensions ont donné naissance à beaucoup de... conflits.
L'équipage perdit le sourire... Sauf Oléa.
- Ces tensions sont humaines, donc fatales. Il regarda dans un tour d'horizon les têtes se pencher, rougir, ou serrer les dents, comme Gerfaut, qu'il regarda dans les yeux avant de reprendre:
- C'est pourquoi j'ai prévu un programme de développement personnel.
- Tiens , donc, murmura Gerff les bras croisés, le regard austère.
Oléa le regarda du coin de l'œil et soupira. Le commandant reprit.
- Mme Simi ici présente s'occupera de vous prendre en charge, individuellement ou en groupe...
Celle - ci se retourna vivement vers lui, le regard appuyé et furieux, puis elle chassa la crainte qui lui était venu, toute sa confiance en Styldus repris le dessus. Elle se tourna à nouveau vers la foule au garde à vous et sourit. La salle se détendit.
- Étant donné ses facultés artistiques, je me suis dit qu'il serait bon, pour ceux, celles d'entres vous qui le souhaitent, de vous inscrire pour vous apprendre un instrument de musique. Mademoiselle Oléa s'occupera de programmer les synthétiseurs pour faire fabriquer celui de votre choix.
Celle - ci se redressa, fière et assurée, aux regards qui se tournaient vers elle. En pouffant devant le regard ahurit de Gerff. Le commandant continua:
- Ainsi que d'enseigner le dessin, la peinture, la sculpture...

Elle étrangla son ricanement. Gerff ne put s'empêcher d'éclater de rire, un rire fort et coquin, qui se communiqua à toute la salle. Styldus se tourna en souriant vers Benata et lui fit un clin d'œil. Elle fit une moue tendre, amusée.