CHAPITRE 5

Vanessa Jeu 11 Fév - 10:32

CHAPITRE 5

- Monsieur, nous avons un problème.
- Quel est -il? dit le commandant sans quitter la nébuleuse jaune qui glissait devant ses yeux.
A la vitesse de propulsion du vaisseau, les étoiles et tout ce qui constituent l'univers étaient « déformés » et paraissaient s'étirer. En quelques années , ils avaient voyagé de milliers d'années lumières. Ils étaient dans des « contrées » inconnues de leur galaxie d'origine. Tyldus avait ordonné la vigilence extrême et d'être averti dès qu'il y aurait la moindre anomalie.
- Normalement -si je puis dire, monsieur- nous voguions « à l'aveugle » jusqu'à ce nous trouvions une planète d'accueil...Mais là....Heu... La technicienne de bord , les cheveux roux et raides qui tombaient sur ses épaules se concentrait pour trouver ses mots sans rougir ou pleurer. Monsieur, reprit -elle dans une grand inspiration, notre vaisseau continue de voler normalement, sans changement de données ni de surcharge quelconque, mais...

- Venez en au fait, dit calmement Styldus. Mais il avait un curieux pressentiment.
- Nous sommes attirés … quelque part. Par quelqu'un, quelque chose. Ce pourrait être une planète , mais nous n'en voyons aucune suffisamment proche pour que nous soyons affectés par les effets de son attraction. Je crains l'éventualité d'un trou noir , monsieur. Mais, en plus, nous avons une poussée de vitesse inexpliquée tous les semestres...
- Mh.
Ce n'était pas cela qu'il ressentait. Pas un danger, mais une douceur dans le coeur, un réconfort. Cela l'attirait et le rassurait. Cela avait commencé depuis que les cours de musique avaient commencé, puis intensifié à mesure des mois. Il avait fait part de ses impressions à Benata qui lui avait conseillé de faire des séances de méditation. Cela l'avait mené à écarter sa théorie d'un désir de suicide inconscient, mais sa seule certitude était une attention bienveillante.
-Nous ne pouvons rien y faire, n'est -ce pas?
-Non, monsieur. L'ordinateur de bord refuse de m'obéir précisément sur ce point.
-Bien, continuez de surveiller la moindre autre anomalie.
-Bien, monsieur. Elle fit semblant de ne pas remarquer le profond soupir du commandant quand il quitta la salle de commandes.

-J'ai dit un la.
-Bliingg.
-Non! Un la!
-Glinn !
-Bieeeen. Tu vois, ce n'était pas si diffcile. Maintenant, rejoue – moi cette mesure mais sans oublier le la, cette fois -ci.
Benata fit claquer ses doigt en tenant gracieusement sa main en l'air. Elle ondulait le long de la pièce en chantonnant l'air pour guider Gerff. Il était plié sur sa guitare, contrôlant fébrilement ses mains. On entendait à peine le son de ses notes. Quand il eut fini de jouer, il releva la tête avec l'expression d'un enfant de 5 ans qui vient de réussir un calcul. Benata sourit en le regardant et d'un signe de tête lui fit recommencer sa mesure. En fait, il avait boudé les cours d'art et de musique jusqu' à ce que son ami Migar lui rende une visite impromptue avec sa guitare pour lui montrer ses progrès aves un sourire jusqu'aux oreilles.
-Bien, je vois que tu a bien travaillé ton morceau. Ca ira pour aujourd'hui. A la prochaine Gerff.
Le sergent prit congé en la saluant respectueusement, qu'elle lui rendait toujours avec un plissement dans le coin de ses lèvres en faisant gonfler ses pommettes. Mme Simi se fichait des titres et du protocole en général et tous ceux qui franchissait le seuil de sa porte étaient égaux.
Comme à son habitude, elle fit un tour dans les couloirs des « appartements » de l'équipage. Aucun n'était offusqué par son passage ponctuel vers 20h: elle passait aussi légèrement et apaisant que le passage d'un nuage. Elle écoutait pourtant indiscrètement tout ce qu'il se passait et prêtait une oreille plus attentive quand elle pressentait un découragement. Elle se régalait de se laisser bercer par ceux qui répétaient discrètement, la porte du sas souvent entrouverte. Non pas qu'elle félicitait son égo d'entendre les belles mélodies qui étaient présentes grâce à elle, mais de sentir les coeurs de ces âmes s'envoler et se déployer, tel une envolée d'oiseaux sur son passage.

Tous les six mois, ils jouaient un concert dans la salle de réunion, et tous les six mois, ils étaient prêts.

Fiers et droits, chacun se tenait prêt à jouer. Tout le monde avait joué de son imagination pour faire synthétiser costumes et robes de spectacle. Y compris le commandant qui s'était même amusé à donner un thème à chaque représentation, sous le prétexte de commémorer l'Histoire. Cette fois ci, les costumes étaient sur le thème de la Renaissance en Italie. Ils avaient ainsi choisit l'Histoire autour du monde, dont la Chine, le Pérou, l'Inde...etc. Bien sûre, le premier thème a été le Vietnam en 1500, pour faire honneur à Benata. Ce jour là, elle avait été accompagnée de sa fille -qui faisait écho avec son rayonnement – et tout le monde les avait déclamé « reines du bal » en riant gaiement . C'est Migar qui avait applaudit le plus fort, et avait fait rentrer la tête dans les épaules ses éventuels « rivaux » par son regard.

Le spectacle dura plus de trois heures. Personne ne vit le temps passer.
-Je dois reconnaître que l'idée de Gerff est pas mal!
-Shhhhh!
-Pardon.

La silhouette de Mme Simi dirigeait avec justesse l'orchestre derrière lequel un grand écran faisait apparaître les uns après les autres les dessins créés par des élèves d'Oléa. Chacun correspondant à l'émotion des morceaux de musique joués. Un paysage apaisant avec une musique douce et délicate, une mer déchaînée pour une musique extravagante... Le clou du spectacle fut cette fois là une scène triste d'une mère pleurant son enfant avec un piano déchirant. Le final... un printemps florissant lumineux qui entoure cette même femme où son mari la tient dans ses bras et elle semble retrouver goût à la vie, suivit de la musique emportée du violoncelle grave avec une flûte légère.